SINGAPOUR et BALI
Bali, c’est fini
Et dire que c’était le premier pays de mon voyage
Bali, c’est fini
Je ne sais pas si j’y retournerais un jour
😁
Nous vous épargnons la vidéo version karaoké où nous chantons ces paroles bercées par le rythme musical d’Hervé Villard, quoi que ce pourrait être drôle et à l’image du karaoké de Tabanan (prononcé, « ta banane », ça ne s’invente pas) …
Mais Bali c’est bien fini … Voilà un peu plus d’1 mois que nous avons quitté la France pour Singapour durant 5 jours et près d’un mois à Bali.
Il nous aura fallu quelques jours pour trouver un rythme de voyage commun à tous les 3, après avoir accusé le coup du « speed » des derniers jours avant le départ, la fatigue du long voyage, le changement de rythme soudain, le décalage horaire, les fortes chaleurs humides de Singapour …
Bien qu’elle soit considérée par beaucoup comme la Suisse de l’Asie (genre, ça fait pas voyage « backpacker ») nous avons aimé Singapour et nous l’assumons bien. Pour une entrée en Asie, c’est confortable et facile, et malgré tout très dépaysant: 32° + un bon 80% d’humidité, et vous savez instantanément que ce n’est pas la Suisse.
Pour Lou-Ann et son fauteuil roulant, c’était juste incroyable: tout est accessible, magasins, restaurants, métro, même le temple du Bouddha à Chinatown, pensé pour les PMR, propre, avec des toilettes réservées PMR et propres. Et ça, ça compte beaucoup … Quand, en France, à Annecy ou ailleurs, nous ne pouvons pas aller dans des lieux publics, des parcs, des plages, l’esprit libre parce que pas de toilettes, ni dans des restaurants ou bars car pas de WC accessibles, à Singapour, cette question ne nous a plus jamais effleuré l’esprit. Et croyez moi, avec une enfant qui de par sa pathologie, ne peut pas se retenir, c’est une vraie libération et un gros stress en moins …
Nous avons adoré Singapour:
– les fameux « food courts », ces lieux ouverts (et accessibles) où s’alignent des dizaines et des dizaines d’échoppes pour déjeuner et diner des plats délicieux à des prix vraiment pas chers, 4 à 5 € par personne, où les odeurs s’entremêlent et mettent vos sens dans tous les sens. On peut déguster toutes les saveurs de l’Asie: vietnamiens, thailandais, chinois, japonais, malaisiens … Et ce sont des lieux très populaires où se mêlent toutes les couches de la population, et où vous vous retrouvez attablés avec des inconnus lorsque la table n’est pas complète. Un bon moyen de prendre le pouls de la ville !
– Gardens By The Bay, magnifique
– Chinatown et dans une moindre mesure, Little India
– Le temple consacré à Bouddha à Chinatown où on a ressenti une énergie particulière, un lieu apaisant, vivant, avec la rencontre du gardien qui nous a marqué: ce vieux monsieur m’a interpellé pour me demander spontanément pourquoi Lou-Ann ne marchait pas. Je lui explique et il prend quelques secondes de réflexion pour me répondre, convaincu: « Allez au fond du temple, là bas, et priez Bouddha. Il va faire quelque chose pour les jambes de votre fille ». Ce qui m’a surpris, c’est qu’il ne doutait pas une seconde que ce soit possible. Je me suis donc exécuté.
Nous avons été accueillis par une famille franco roumaine qui ne nous connaissait pas, et qui trouvant notre projet beau, nous a ouvert leur porte. La magie des réseaux, des voyages, des rencontres qui nous fait grandir et nous interroge sur notre ouverture aux autres; sommes nous si ouverts que l’on veut bien le croire ? Le ferions nous ? De quoi avons nous peur ?
Leurs enfants ont été adorables avec Lou-Ann, la magie a opéré malgré la différence et on a passé de très bons moments avec eux. On garde un souvenir ému de l’accueil qui nous a été réservé par Madalina, Olivier, Théo, Lola et leur petit frère de quelques mois qui ne se rappellera pas de nous, mais on ne lui en veut pas.
(Suite du Texte sur Bali plus bas)
BALI, septembre 2019
Bali, l’île des dieux … Nous avons aussi été chaleureusement accueillis par une famille française vivant à Bali depuis 1 an, qui ne nous connaissait pas, mais dont les parents de Magali et Maya sont amis.
Bali, c’est une autre histoire ! La magie de Bali si plébiscitée, n’a pas opéré de suite sur nous. Bali a mis du temps à nous séduire, on n’est pas tombé sous son charme de suite. Peut être qu’elle ne se laisse simplement pas aborder aussi facilement qu’on le dit !
Nous avons commencé par Denpasar, la capitale, folle, animée, grouillante de scooters, avec un trafic dense comme on ne l’avait jamais vu. Paris à 8H parait presque désert à côté; cela est certainement du à l’anarchie qui règne sur les routes; c’est un spectacle à part entière.
Il nous aura fallu sortir des sentiers très touristiques pour appréhender l’authentique Bali, celui où le charme opère, celui des habitants au sourire spontané et généreux, facile d’accès et d’une infinie gentillesse, celui où un inconnu vous balade pendant 1h sur son scooter pour vous amener au supermarché à 20 minutes de trajet, sans rien vous demander, juste pour vous aider.
Nous avons côtoyé le meilleur à Bali, celui que nous venons de décrire, et le pire, celui où le tourisme de masse gangrène tout, où ne nous sommes que des € sur pattes (ce qui est surement la résultante de l’attitude de beaucoup de touristes occidentaux) et qui fait perdre son charme à tout pays, même le plus beau.
D’ailleurs, savez vous comment les balinais dans les endroits touristiques nous appellent ? « Les ATM ». Du nom des guichets de banque qui délivrent le cash ! Tout est dit !
Nous avons vécu en mode « eat, pray, love » pendant presque un mois … Sans Julia Roberts, ni Javier Bardem d’ailleurs !
Et cela fait beaucoup de bien ! Eat pour Lou-Ann qui nous rappelle à heure régulière son envie de manger, pray (ou médite plutôt) pour Franck et un peu Magali, et Love pour nous 3. Mais toujours sans Julia Roberts, ni Javier Bardem.
C’est le temps dont nous avions besoin pour absorber les derniers mois difficiles de Lou-Ann, pour absorber l’atterrissage dans cette nouvelle vie éphémère (pour rassurer la maman et le boss de Magali: oui, Magali revient bien).
Bali nous a offert des moments pas très agréables (comme de se sentir un ATM, d’entendre des français râler ou critiquer, quand le fauteuil de Lou-Ann s’est fait percuté par une voiture, sans gravité heureusement, et son chauffeur d’une malhonnêteté à vomir (ce qui m’a permis de découvrir un aspect inconnu de Magali: sa colère noire et la foudre qui s’est abattue sur le conducteur), de découvrir des lieux tellement touristiques qu’ils avaient perdu tout leur âme …
mais aussi de très beaux moments comme :
–la gentillesse des balinais dès qu’on sort des lieux densément touristiques
–La douceur de vivre où beaucoup de lieux invitent à la contemplation, au retour à soi, à l’apaisement
– Les fruits et les jus de fruits pressés avec des goûts sublimes de fruits sucrés naturellement dont on a abusé et abusé: mangue, fruit du dragon, papaye, banane, ananas …
– les nombreux warung, des petits restaurants familiaux où on vous sert des plats locaux délicieux pour des prix dérisoires (3 à 4 €): Satay de poulet, Nasi Goreng, Mie Goreng …
– les rizières, des lieux magnifiques sculptés par la main de l’homme, où le mot travail prend tout son sens, et qui invitent à la contemplation et au respect face au travail engagé. Nous avons particulièrement aimé celles de Keliki sur les hauteurs de Ubud où nous avons passé 2 jours chez l’habitant à la Keliki Painting School , et celle de Jatiluwih, classées au patrimoine culturel de l’Unesco
– Les massages traditionnels balinais, incroyables tant par la qualité que par le prix, 7 € l’heure … On en a bien profité !
–Les offrandes ou Canang Sari: les balinais déposent chaque matin à l’entrée des temples, maisons, hôtels, chambres d’hôtels, des offrandes sous la forme d’un petit panier tressé avec des fleurs, de la nourriture avariée, et/ou des sucreries, de l’encens, afin d’apaiser les esprits des dieux et apporter prospérité, bonne santé à la famille au sens large. Il s’agit d’un acte de gratitude envers la richesse de la vie, afin de remercier les dieux de ce qu’ils reçoivent de leur part. Plutôt inspirant et révélateur de leur philosophie de vie !
–Un spectacle de Legong: les balinais vivent, respirent, prient et communiquent à travers la danse, le chant et le théâtre. Ce sont des spectacles de danse ou des personnages mythologiques racontent des histoires et légendes. C’est un univers magique, totalement envoûtant qui nous a fasciné et transporté; les danseuses d’une féminité et d’une grâce remarquable portent de luxueux costumes dorés et des coiffures garnies de fleurs, accompagnées d’une musique exécutée par un orchestre gamelan. Sublime !
– Les randonnées sur Campuhan Ridge Walk et Sari Organik Way, au milieu des rizières d’Ubud, nous permettant de nous reposer loin de la folie d’Ubud. Nous adorions ces rencontres éphémères avec les locaux, paysans, artistes et dénicher des restaurants et warungs ouverts sur les rizières, rafraîchis par le vent qui s’engouffre dans ces grands espaces ouverts sur la nature !
– La Monkey Forest où vivent en liberté protégée dans une immense forêt plus de 1000 singes, des macaques peu farouches et chapardeurs; un très bon moment pour Lou-Ann qui a adoré
– le village de Sidemen, village perdu et authentique au pied du Mont Agung. De par le calme des lieux et le paysage enchanteur, Sidemen se prête parfaitement à un séjour de ressourcement ou une retraite spirituelle; l’air y est pur, l’ambiance sereine et les villageois fort accueillants. On le confirme !
Ce qui m’a valu une anecdote: déjà formaté par 5 jours à Ubud où tout se négocie avec des prix à diviser par 3 ou 4, convaincu d’être un € sur pattes, je vais sur un marché acheter quelques fruits et négocie le prix annoncé. Le marchand se met dans une colère noire et reprend ses fruits en m’invectivant d’un : « t’es pas à Ubud ici, on annonce les vrais prix, pas des prix pour touristes ». Je me suis donc confondu en excuses et lui ai acheté ses fruits au prix annoncé. Effectivement, en un mois, je n’ai jamais payé des fruits aussi peu chers.
–notre séjour sublime à Amed, petite ville de bord de mer dans l’Est de Bali où partis pour un séjour de 3 jours, nous sommes finalement restés une semaine. Un lieu paradisiaque, dans des bungalows au charme incroyable et une vue plongeante sur la mer à un prix dérisoire, des balinais d’une gentillesse infinie, un lieu culte pour la plongée et le snorkeling … On a eu du mal à quitter Amed, qui nous a offert de belles rencontres et des moments forts de snorkeling avec Lou-Ann. Et de très bien manger, toujours les pieds dans l’eau ! Et à Franck, un contrat photo avec le Bamboo Bali Hill où nous logions !
– La séance avec un Maître Reiki, guérisseur: Agung Vijaya, qui a remis nos chakras dans le bon sens. C’est très particulier, il se passe quelque chose sur le plan énergétique assez bluffant et ça fait un bien fou !
–Tabanan, village au bord de l’océan, particulièrement authentique, où nous sommes restés quelques jours dans une magnifique villa prêtée par une inconnue, touchée par notre histoire et notre voyage. Un lieu magnifique hors du temps, totalement ouvert sur l’extérieur, en communion avec la nature, qui invite à la contemplation et au retour à soi.
– La Sunrise School of Bali où Lou-Ann a été scolarisée 3 jours, une école internationale ouverte sur le monde, en pleine nature, dans un environnement superbe, et où la bienveillance est la ligne conductrice de l’enseignement et où des enseignements traditionnels (français, math, anglais …) et d’autres aussi importants (méditation, jardinage, entretien des animaux, arts) sont dispensés par des enseignants et assistants de tous horizons, y compris locaux. Cette intégration nous amène à nous interroger: pourquoi est ce si facile d’inclure une enfant en situation de handicap non anglophone dans une école internationale même (et surtout peut être) sur 3 jours alors que c’est si compliqué en France ? Simplement parce que l’ouverture, la volonté, l’état d’esprit sont bien plus positifs et inclusifs; l’accueil de Lou-Ann a été facile, agréable, simple et n’a posé de problèmes à absolument personne: ni à l’enseignante, ni aux élèves, ni au staff, ni à la direction. Et encore moins à Lou-Ann qui s’est sentie de suite à l’aise.
– Le dégonflage de pneus: j’avoue, c’est un peu cynique mais fort amusant. Les scooters squattent tout l’espace public, y compris où ils ne devraient pas stationner: trottoirs, bord de rues, entrées des restaurants, hôtels … du grand n’importe quoi ! Alors, parfois, une escouade de policiers arrivent en fanfare, et dégonflent les pneus des scooters mal garés, donc tous ! C’est efficace et drôle ! Enfin pour nous !
Nous allons bien, plutôt bien même. Bali n’a pas été de tout repos pour nous car rien n’est prévu pour les fauteuils roulants, rien n’est accessible et le peu de trottoirs
Le handicap à Bali, notre perception
Autant Singapour est accessible, autant Bali ne l’est pas. Aucun ou à peu près aucun batiment recevant du public n’est accessible. Sans fauteuil adapté (avec une 3e roue par exemple), c’est complexe, dangereux ou impraticable, voire les 3 à la fois. Les trottoirs sont défoncés, ou inexistants, et quand ils sont praticables, ce qui est rare, ils sont squattés par des scooters. Donc impossible à utiliser !
Nous avons visité le Matahari Terbit Center, une ONG collée à la Sunrise School, qui accueille des enfants et adolescents en situation de handicap, essentiellement des déficiences intellectuelles et des trisomiques; et ce afin de de les sociabiliser, les stimuler par le jeu, des activités manuelles, développer les apprentissages fondamentaux.
Nous avons rencontré son directeur qui fait de l’inclusion son cheval de batailles et son projet professionnel. Une belle rencontre avec un homme engagé !
Fauzi nous a expliqué pourquoi nous n’avons jamais croisé un enfant ou un adulte handicapé. Les balinais ont une forte croyance liée à l’hindouisme: toute personne née avec un handicap a un mauvais kharma et a été une mauvaise personne dans une vie antérieure. Les parents d’enfants handicapés ont littéralement honte et cachent leurs enfants en les laissant chez eux, à l’abri des regards. Pour eux, c’est comme ça et il n’y a rien à faire, l’enfant n’évoluera pas. Donc aucune stimulation, aucune inclusion sociale ne leur est proposée, ni école, ni institut. Aucun budget gouvernemental n’est alloué à ces enfants et leur famille.
La Matahari est une ONG fonctionnant uniquement avec des dons. Fauzi tente de convaincre les parents du bien fondé de l’inclusion et de sortir ces enfants pour les sociabiliser, les stimuler. Puis de les inclure dans la société en leur proposant si possible un projet de formation en cuisine et un projet professionnel associé. Il a tissé un partenariat avec un restaurant de l’aéroport pour que ces jeunes puissent faire des stages et travailler. Afin que le regard de la société change.
Cette vision nous a bien refroidit et il trouvait notre projet formidable, presque fou. On, sentait bien au regard parfois insistant des balinais l’étonnement de voir LOu-Ann dans son beau fauteuil roulant, mais on ne s’attendait pas à une explication aussi rude.
Et Lou-Ann ? Et nous ?
Nous allons bien, plutôt bien même. Bali n’a pas été de tout repos pour nous car rien n’est prévu pour les fauteuils roulants, rien n’est accessible et le peu de trottoirs praticables sont squattés par des scooters. Tous les hôtels, guest house ont des escaliers de partout; il nous a donc fallu nous adapter mais on le savait ! Ce n’était pas une grande surprise.
C’est, je l’avoue, plutôt fatigant. Mais cette ouverture au monde pour Lou-Ann vaut bien quelques séances d’ostéopathie … (D’ailleurs, Marion, si tu lis ce message, et si tu passes par la Thaïlande en octobre, je suis dispo)
Il aura fallu 2 semaines pour que Lou-Ann trouve son rythme; elle qui a besoin de plus en plus de beaucoup de routines pour se sécuriser, est mise à l’épreuve avec ce changement total de rythme, de pays, de langue, de culture, de nourriture. Mais elle s’adapte, comme toujours, non sans heurts, mais avec courage.
La cohabitation à temps plein se passe bien entre nous 3, non sans heurts également, mais on apprend à se découvrir mutuellement encore davantage. Le rythme quotidien usuel est bien différent que celui d’être ensemble à temps plein sur de longues périodes.
La fatigabilité de Lou-Ann qui s’est fortement accentuée depuis 2 ans, continue à s’exprimer et à nous imposer des limites très rapidement à notre rythme de voyage. Nous étions déjà dans un mode « slow travel » parce que nous aimons voyager ainsi mais la fatigue de Lou-Ann nous met plutôt dans un mode « very, very slow travel ». Et c’est bien; nous étions partis avec l’idée de faire une pause, prendre du recul, découvrir des pays et cultures différentes, et surtout vivre des moments, faire des rencontres; et non pas de cocher la longue liste de tout ce qu’il y a à visiter dans chaque pays. Mais j’ai le sentiment que ce sera encore plus fort que ça !
Lou-Ann qui est moins stimulée que d’habitude sur le plan physique, présente des signes de régression: perte de tonus musculaire, motricité en baisse. Plus de séances de kiné, plus de stages de rééducation intensifs à Barcelone, plus d’autonomie dans ses transferts … C’est donc normal. Alors pour palier à cela, nous allons instaurer des séances de rééducation et de stimulation plus formelles et plus régulièrement.
Nous n’aurons jamais, je crois, une vie comme tout le monde. La maladie et le handicap viennent se rappeler à nous, tout le temps, même et surtout ici. C’est ainsi.
On a vécu ce mois en mode « eat, pray, love »; plutôt méditation que prières, mais dans l’ensemble, dans cet esprit. Et c’est bon d’avoir du temps à soi, de prendre du recul et d’observer son environnement, sa vie un peu différemment. Ou de commencer à … Ce devrait même être encouragé, voire obligatoire pour chacun !
C’est drôle d’imaginer que ce n’est qu’un mois sur 9 que compte ce voyage. On est encore un peu en mode « vacances », on commence à se rendre compte que l’on ne rentre pas travailler lundi.
Alors,
Bali, c’est fini
Et dire que c’était le premier pays de mon voyage
Bali, c’est fini
Je ne sais pas si j’y retournerais un jour
😁