Thaïlande

La Thaïlande, terre d’offrandes gourmande

Quelques jours après être arrivés en Thaïlande, installé dans le magnifique parc d’un temple, je suis tombé sur une citation bouddhiste écrit sur un bout de bois, lui même accroché à un arbre, bien en vue. Il disait: « Dhamma is systematic practice for a man at every stage of his life ». Cet écrit m’a beaucoup interpellé sans que je comprenne vraiment pourquoi sur le moment.

Alors j’ai cherché … en moi et en ligne. Et j’ai compris (enfin, je crois) que le Dhamma (ou Dharma) signifie la vérité simple tel que l’a enseigné le Bouddha. Il s’agit de nous mêmes et de la façon dont nous pouvons nous libérer de notre propre souffrance.

En pratiquant le Dhamma, en méditant donc, en contemplant, nous tournons notre attention vers notre corps et notre esprit, nous dévoilons leur véritable nature. Notre souffrance diminue au fur et à mesure que nous arrivons à comprendre le Dhamma.

Je compris à cet instant pourquoi je fus tant impacté par cette phrase. En quoi elle me concernait et en quoi elle concernait Magali à un stade différent, qui allait très rapidement se vérifier.

Ainsi, ce deuxième mois est devenu un passage initiatique, plus difficile. Cela n’enlève rien au plaisir de ce voyage, à la joie d’être en Asie, tous les 3, à vivre cette aventure incroyable et découvrir tant de cultures et de personnes qui nous nourrissent, mais ce tour du monde a commencé à bouger nos repères, nous amène dans des réflexions et un recul différent, et nous renvoie au visage avec davantage de force le handicap de cet enfant que nous aimons tant et dans laquelle nous investissons tant d’énergie depuis plus de 11 ans.

Le handicap et ses conséquences prennent encore plus de place ici, en Asie, en Thaïlande ce mois ci, pour au moins deux raisons:

Tout d’abord parce que rien ou pas grand chose n’est accessible à Lou-Ann et ses roulettes, et tout est difficile: déplacements à pieds, logements, se mettre à table, aller aux toilettes, transports en train ou en bus. Non pas que ce soit forcément mieux en France, c’est parfois et bien trop souvent aussi compliqué. Mais ici, c’est du concentré.

Ce n’est donc pas une surprise mais le vivre est une autre paire de manches.

Ensuite parce ce que nous nous occupons d’elle à 100% de notre temps, sans pause. Non pas que l’on en ait beaucoup en France, mais ici, c’est du « full time » dans un environnement où nous avons éloigné de notre vie tout le teste; et c’est parfois lourd à porter et à vivre parce que l’impact émotionnel est bien plus important.

Et cela nous a rapidement renvoyé au visage avec force son handicap, ses difficultés, ses troubles parce qu’ils jalonnent notre quotidien de manière répétée. Mais aussi notre propre incapacité à l’aider autant qu’on aimerait et la faire progresser autant qu’on en rêverait. On ne parle pas ici d’égo, d’idéalisation d’un enfant parfait, mais juste des parents aimant leur enfant et souhaitant l’aider à dépasser un peu son handicap et ses conséquences lourdes dans la vie quotidienne, à dépasser la maladie qui prend de plus en plus de place avec les années, et l’aider à progresser, pour avoir une chance d’être incluse dans la société.

C’est cette souffrance à laquelle nous avons du tous les deux faire face. Elle a explosé avec une double déflagration. Pour ma part, dès notre arrivée en Thaïlande, me mettant dans un « very bad trip » où je me demandais ce que nous faisions là, pour durer quelques jours et comme d’habitude trouver la force en moi pour dépasser cette souffrance;

Puis ce fût au tour de Magali 8 jours plus tard, en se dévouant corps et âme jusqu’à l’épuisement et aux pleurs, à la tristesse, à un sentiment de lassitude qui ronge et nourrit la culpabilité.

Alors nous prenons le chemin du Dhamma, chacun à notre manière avec des moyens différents et d’autres communs, et en veillant l’un sur l’autre. Je ne sais pas si ce chemin sera long, mais nous sentons à l’heure où nous écrivons ces lignes, que quelque chose a bougé en nous deux, qu’une voie s’ouvre et que des possibles différents sont à explorer.

Un tour du monde, ce n’est pas qu’une succession de pays et de « choses à voir et faire », c’est avant tout, pour nous, un retour à soi et une ouverture aux autres. Un sillon qu’on ouvre en nous. C’est une composante du voyage, on le voulait et on le savait. Intellectuellement parlant, mais maintenant, c’est dans nos tripes, notre coeur et c’est une autre histoire qui se vit !

On ne penserait pas que cela viendrait aussi vite et aussi fort. On était prévenu que le voyage bouscule, mais cela a été un peu le tsunami avant l’heure. On accepte et on vit ce Dhamma chacun individuellement, et ensemble.

C’est après cette prise de conscience que nous avons pu nous laisser absorber par les sourires de la Thaïlande qui se sont offerts à nous avec davantage d’intensité. On avait bien « Wheels », « Backpacks » mais il manquait le vrai « Smile », le nôtre.

Alors oui, la Thaïlande est, pour nous, une terre d’offrandes. Parce qu’elle nous a offert la possibilité de grandir encore un peu + et de commencer à poser un regard un peu différent sur notre enfant.

C’est aussi un pays avec une identité marquée et une infinité de sourires qui le rendent attachant.

Bangkok est une mégapole et ne présente pas, pour nous, beaucoup d’intérêts. Elle grouille, bruyante et polluée, et nous offre ce que le tourisme de masse a de pire: des prix élevés pour une qualité très moyenne, des contacts avec les locaux peu agréables quand ils ne sont pas désagréables, des sollicitations agressives et des arnaques en tout genre, des regards appuyés d’occidentaux et des propositions de services sexuels quand je (Franck) me balade seul, des propositions d’excursions sans intérêt à prix exorbitants … Bangkok ne nous a pas laissé un souvenir incroyable mais nous avons vécu de très bons moments de « street food » à Khao San Road, la rue la plus animée probablement de Bangkok avec une multitude de gargottes proposant une diversité incroyables de plats thaï, des bars en tout genre et toutes sortes de vendeurs ambulants donnant à cette rue une ambiance folle;

Bangkok nous aura aussi offert le meilleur massage Thaï de notre mois en Thaïlande (la partie corps du Dhamma 😁) et un incroyable moment de liasse populaire lors d’un championnat de Muay Thaï (gratuit, fait suffisamment marquant pour être écrit ici): c’est effectivement un sport plutôt violent puisque tous (ou presque) les coups sont permis mais où, paradoxalement, un respect pour l’adversaire est de rigueur amenant, par exemple, le gagnant par KO (par un coup de coude suffisamment violent pour lui casser le nez ou l’arcade et le mettre KO) à aller s’assurer que son adversaire se porte bien ou pas trop mal. Après avoir sauté en l’air de joie 3 ou 4 fois … Quand même ! C’est une victoire en championnat !

Les combats de Muay Thaï nous auront permis de confirmer le côté guerrière de notre fille; non, je n’ai pas emmené Lou-Ann aux combats de Muay Thaï, mais elle a souhaité voir 2 ou 3 vidéos que j’ai réalisées. Elle a adoré et m’a demandé de regarder un championnat à la télévision le dernier soir. On a passé une super soirée, elle était déchaînée. « Ouais, vas y » « allez, plus fort », « ouh la, ça fait mal, là » « oh, purée, le coup de pied » … Le gros kif père fille 😁

Chiang Maï, en revanche, nous a séduit par son côté ville de province, plus tranquille, dans laquelle on s’est de suite senti bien, et par son côté « peace » qui invite à vivre détendu en permanence, avec ses bars à jus, cafés, restaurants végan qui, tous, rivalisent d’ingéniosité et moults détails, pour rendre l’expérience du « voyageur hipster, cool, nomad worker » agréable, invitant à rester pour entretenir et développer cette philosophie de vie. Et cela a plutôt bien marché puisque nous sommes restés 9 jours. Cela concordait avec nos crises existentielles et la fatigue de Lou-Ann et son besoin de se poser.

Elle présente aussi plusieurs très beaux temples qui contribuent à ce retour à soi, au voyage initiatique tel que nous le vivons. C’est d’ailleurs là que, pour moi, la prise de conscience a opéré.

Nos journées s’articulaient avec une nonchalance propre à Chiang Maï, à se promener, malgré les fortes chaleurs et un fort taux d’humidité rendant l’expérience éprouvante (43 à 45° en température ressentie ), visiter des temples magnifiques, prendre un café dans un de ces nombreux bars à la décoration simple, home made, soignée, prendre un jus original fraîchement pressé et un smoothie détox (autant pousser le concept du « bobo hipster cool » à son paroxysme), se promener et méditer dans un temple pour Franck, pendant que Magali et Lou-Ann se rafraîchissaient en piscine), lire et régulièrement vivre l’expérience de la conscience de son corps avec davantage d’intensité en pratiquant un massage thaï, tel que le Dhamma invite à le vivre. Et là, croyez nous sur parole, votre corps et ses douleurs se réveillent à votre conscience avec une intensité insoupçonnée !

C’est alors que nous poussions la porte de la Thaïlande gourmande en nous rendant chaque soir au « night market » près de notre hôtel; là, de multiples échoppes proposent une multitude de spécialités thaï où nous n’avions d’autres choix que nous fier à notre intuition et notre sens olfactif pour faire un choix parmi toutes ces odeurs inconnues, et s’installer sur un bout de table au milieu des gargottes pour déguster nos assiettes savoureuses. Quel plaisir de susciter nos sens aussi intensément et découvrir toutes ces spécialités offertes par la Thaïlande du Nord, toutes ces épices et herbes connues ou inconnues parfumant ces plats savoureux. Avec le rituel sacré de Lou-Ann, le Mango Sticky Rice.

Et les thaïlandais ? De manière générale, ils sont très souriants et serviables. Il y a bien entendu des exceptions, mais comme toujours, ces expériences désagréables se vivent dans les endroits très touristiques. Probablement encore une fois le juste retour des attitudes de touristes, ou une manière de se protéger, je ne sais pas trop.

C’est au moment où je vous écris ces lignes que nous vivons une expérience de la gentillesse thaïlandaise et qui illustrera mon propos: installés dans un café au bord du Chao Praya, le fleuve qui traverse Bangkok, Lou-Ann à lire, moi à taper frénétiquement sur les touches de ma tablette, Lou-Ann éternue; la serveuse s’approche spontanément avec une grâce fluide la rendant presque invisible et tend à Lou-Ann un mouchoir.

Une attention qui donne à ce voyage une saveur si douce !

Les Thaïlandais parlent très peu anglais, même ceux au contact des touristes dans les cafés et restaurants. Les contacts sont donc éphémères, et il est donc difficile d’échanger et mieux comprendre ce pays. C’est frustrant mais parfois un regard, quelques mots, une attitude, un geste sont autrement plus significatifs que de longues phrases inutiles.

Ainsi, nous avons vécu un de ces moments à Mae Hong Son, ville éloignée des flux touristiques, dans les montagnes près de la frontière birmane.

Magali et Lou-Ann venaient de se faire masser dans un petit centre familial, fait exceptionnel pour Lou-Ann car c’était la première fois qu’une masseuse acceptait de pratiquer un massage à Lou-Ann; nous avons très souvent ressenti un malaise face au handicap.

Une connexion naturelle et invisible s’est créée spontanément entre la jeune fille de la propriétaire du centre et Lou-Ann. Sans langage commun, sans dialogue possible, nous avons vu cette connexion s’établir, les gestes, les regards, les rires. C’était magique, on assistait à ce échange avec beaucoup d’émotion. Il se dégageait de cette jeune fille de 9 ou 10 ans une magie, une lumière qui au contact de Lou-Ann, devenait encore plus visible. La maman souriait émue, et nous étions touchés par cette scène qui s’offrait à nous. Nous sommes finalement partis et alors que nous parlions derrière la vitrine du centre, la jeune fille est venue se poser de l’autre côté, et a posé sa main sur la vitre, invitant, avec son magnifique sourire, Lou-Ann à faire de même. C’était magique, d’une grâce infinie et un beau message pour nous et Lou-Ann: malgré la différence, malgré l’absence de dialogue possible, une communication peut s’établir, un lien peut se créer. C’était fugace, intense, beau et restera un des moments forts de notre voyage. Probablement aussi par sa rareté et son intensité.

Un moment très attendu pour LOu-Ann était la rencontre avec des éléphants. Elle qui aime tant les animaux attendait ce moment avec impatience et nous en parlait depuis plusieurs mois déjà. Néanmoins, nous ne voulions pas cautionner les centres et pseudo sanctuaires usines à touristes qui maltraitent les éléphants et ils sont malheureusement légions.

Un éléphant ça trompe énormément, alors on s’est méfié; le plus dur a été de trouver un lieu qui soit un véritable sanctuaire, où les éléphants maltraités sont recueillis, idéalement rachetés à leur propriétaire, où ils sont respectés, aimés et soignés. Le tourisme des éléphants est un très, très gros business en Thaïlande, avec énormément de dérives et de maltraitance animale. On voulait bien voir des éléphants mais ne surtout pas monter dessus, juste les regarder et les approcher nous suffisait amplement. Après moultes recherches et recommandations, on en a trouvé un. Une journée à nourrir ces éléphants, se promener avec eux en forêt et les laisser en liberté (surveillée par leur maître), leur donner un bain de boue (on n’a pas fait, on trouvait cela grotesque et ils n’avaient pas besoin de nous pour se rouler dans de la boue), puis à les rincer en rivière et les caresser.

Bilan, une journée pleine d’émotions pour Lou-Ann qui l’a épuisée, et des souvenirs incroyables. Pour nous, un bilan mitigé, car c’est malgré tout très touristique et cadencé selon un rythme bien défini, mais c’est en petit groupe et ces éléphants sont bien traités et soignés dans leur environnement naturel. On a trouvé cela très apaisant de s’occuper d’eux, de se promener en forêt avec eux, les nourrir, ou simplement de juste les observer.

Et sans l’argent du tourisme, ces propriétaires éthiques et respectueux de l’animal ne pourraient pas les racheter aux propriétaires maltraitants. La boucle infernale !

Le plus simple pour régler tout ça, ce serait simplement d’arrêter l’exploitation de ces animaux et de les laisser libres dans leur environnement naturel, et que les touristes ne soient plus en demande de ce genre d’activités. Vu l’importance de l’offre à Chiang Maï, on a l’impression d’être presque seul à se poser ces questions.

Voyager éthique est un défi quotidien … Une sacré journée forte en émotions … et en questions !

Au bout de 9 jours à Chiang Maï, nous avons souhaité nous écarter des sentiers touristiques et nous enfoncer dans la campagne thaïlandaise. Nous n’avons pas été déçus. C’est à Mae Hong Son, petite ville ville de montagnes, près de la frontière birmane, à 6H de bus et après 1864 virages que nous avons posé nos sacs pour une semaine.

Et c’est ici que nous vivrons les plus beaux moments de la Thaïlande. C’est une petite ville de montagnes, où peu de touristes s’aventurent, ce qui la rend d’autant plus agréable pour nous. Car plus authentique, plus vraie. Et elle est belle. Montagnes ne signifie pas « les Alpes », c’est à 500 mètres d’altitude, ni plus frais car la même température ressentie ou presque: 44°.

Mais bien plus calme, c’est certain.

Nous avons trouvé un petit hôtel simple dans lequel nous nous sentions bien, avec un petit jardin et une piscine, et au bord d’un lac et à quelques mètres du temple et du « night market » où s’installaient tous les soirs des échoppes prêtes à mettre nos sens dans tous les sens.

Et c’est plutôt réussi car nous avons goûté à des plats savoureux, thaï pour l’essentiel avec une relative influence birmane pour certains. Toujours en nous fiant à notre intuition et notre sens olfactif. Parce qu’en lecture thaï, on est plutôt désarmé.

Mais c’est surtout des expériences humaines qui nous ont marqué ici: nous avons déjà raconté la rencontre magique de Lou-Ann avec cette jeune fille mais deux autres marqueurs forts nous ont touché:

le Bamboo Bridge, dans un village à 12 kms de Mae Hong Son: un pont en bamboo de 200 mètres environ a été construit au pied des escaliers raides menant au temple jusqu’à l’entrée du village pour, historiquement, relier les deux extrémités en marchant au dessus des rizières. Le lieu est juste superbe, avec des paysages sublimes et une énergie très particulière s’en dégage.

Chaque matin, au lever du soleil, les moines descendent et traversent le pont vers le village, où les habitants les attendent pour la cérémonie des offrandes; celle-ci consiste à donner de la nourriture aux moines dans des paniers, des plats préparés ou des ingrédients. Et en échange, les moines les bénissent. Je suis venu deux fois en scooter à 6H vivre ce rituel quotidien car dans la société individualiste dans laquelle je vis, ou que considère comme étant individualiste, je trouve ce rituel magnifique, d’une grande humanité et d’une grande bonté. Je ne m’attends pas à mon retour à ce que mes voisins ou amis viennent me nourrir au pied du pont qui mène à mon immeuble (quoique … 😊), mais j’avoue que cet acte de générosité, ce rituel qui créé un lien fort entre des populations qui vivent une vie totalement différente et segmentée, m’a touché.

J’ai assisté à deux autres reprises à ce rituel matinal à Mae Hong Son où les moines quittent leur temple pour la même cérémonie, arpentant les rues de la ville pieds nus pour récolter leurs offrandes.

Ensuite, c’est l’histoire d’une volonté de rencontrer un vrai village de femmes « Karen » qui devient une rencontre humaine incroyable et un marqueur fort de notre voyage. Nous souhaitions une rencontre authentique avec les habitants d’un village Karen, connu pour ses femmes «girafe», une ethnie birmane, qui perpétuent une tradition ancrée de déformer leur corps dès l’âge de 5 ans en portant des anneaux autour du cou. Pas par voyeurisme évidemment mais il y a dans cette tradition quelque chose de fort qui nous attirait. Une identité marquée ! La difficulté a été d’en trouver un car de nombreux faux villages ont poussé près de Mae Hong Son et Chiang Maï , mettant en scène ces femmes comme des bêtes de foire pour les touristes qui paient un prix délirant pour ce spectacle et dont presque rien ne revient aux femmes Karen. Nous en avons trouvé un à 35 kms de Mae Hong Son, proche de la frontière birmane, et il fallait avoir une sacré envie de s’y rendre: prendre un Tuk Tuk avec le fauteuil roulant bien accroché, 30 kms de route et 5 kms de piste défoncée pleine de trous remplis d’eau dont on a fini les 2 derniers à pied. Nous avions prévu de les rencontrer dans un camp de réfugiés birmans, persécutés et ayant fui la Birmanie pour la Thaïlande, près de la frontière, dans un camp extrêmement surveillé par l’Armée.

Malgré de longues discussions avec l’Armée, il ne nous a pas été possible de rentrer dans le camp, les conditions d’accès ayant été réduits drastiquement récemment.

Mais nous avons trouvé un village juste à côté où une grosse quarantaine de réfugiés birmans vivent dans des conditions difficiles, pour la très grande majorité des enfants abandonnés par leurs parents, soit morts, soit alcooliques, soit les ayant laissé là et étant restés en Birmanie pour des raisons qui nous ont échappés. Ils n’ont pas la carte d’identité Thaï, ni aucun papier officiel.

Ils sont sous la responsabilité de 2 réfugiés birmans ayant obtenu la carte d’identité Thaï après de très longues années, qui s’en occupent jours et nuits, aidés de quelques femmes Karen et de 2 ou 3 familles. Une école avec différents niveaux existe sur place dans laquelle nous avons pu passer un moment.

Ils nous ont accueillis à bras ouverts, nous offrant le thé et du temps à passer ensemble. Cela a été une rencontre incroyable de générosité, de chaleur humaine, sans attente. Juste le plaisir du partage et de la discussion libre !

Nous sommes revenus une 2ème fois du coup tellement cette rencontre a été forte. Ils en étaient très touchés et d’autant plus heureux de nous revoir.

Ce groupe est chrétien, ce qui est très rare en Thaïlande et ils ont abandonné le bouddhisme au profit de la religion chrétienne, très proche des protestants, parce que cela leur permet de rester en paix et de faire passer aux enfants un message d’espoir, une éducation de paix et parce que « Jésus a trouvé le chemin de leur cœur » (ce sont leurs paroles). Une rencontre magnifique. Lors de notre venue la 2ème fois, on a profité du prêche et de la prière commune qu’ils ont faite pour nous, pour Lou-Ann surtout … ! Ils vivent dans des conditions difficiles, avec peu d’espoirs car ils sont réfugiés (pas de nationalité thaï pour des études et un job) et vivent dans un coin reculé, dans un camp spartiate et surveillé par les militaires. On a été très touché par leur accueil et leur gentillesse, la facilité avec laquelle ils nous ont parlé et invité chez eux ! C’était fort, très fort, cela nous a ému et bouleversé ! Une de ces rencontres qui touche, qui marque un voyage et au delà une vie. C’était intense, troublant. Leurs vies, leurs histoires nous ont impacté et rappelé la fragilité de l’existence à partir du moment où une population décide de persécuter une ethnie pour une raison incompréhensible.

On a vu beaucoup de tristesse dans le regard de ces 30 enfants, une vie déjà bien tourmentée alors qu’ils sont si jeunes. Et pourtant une joie d’être là, au calme, loin de la violence. C’est ce que nous a confié dans une longue conversation une adolescente de 15 ans (parlant bien anglais: l’école est aidée par une église américaine) qui ne retournerait pour rien au monde en Birmanie, malgré qu’elle soit loin de sa famille. En écrivant ces lignes, L’émotion est encore très palpable et ils nous auront marqué à vie. Lou-Ann, a sa manière, a aussi été touchée. On la sentait troublée, perturbée, comme si elle ressentait la tristesse de ces enfants sans pouvoir la nommer, submergée par une émotion qui la mettait mal à l’aise.

Cette pause au sein de l’authenticité thaï, nous aura permis d’aller plus en profondeur dans notre quête de sens et ouvert des horizons différents. Nous vivons des moments uniques avec « Smile », et même si c’est parfois difficile, on est heureux de ce choix d’être partis tous les 3 vers ce voyage en nous et à la découverte du monde qui nous entoure. C’est un défi quotidien et une superbe aventure qui montre l’exceptionnelle capacité d’adaptation de Lou-Ann, sa curiosité et nous permet de mesurer la chance que nous avons d’avoir une petite fille si joyeuse, si pleine de vie et d’envie malgré les difficultés quotidiennes liées à sa maladie.

Nous vivons quelque chose de fort tous les 3 qui dépassent les visites quotidiennes et qui donnent à ce voyage une saveur épicée. Les épices donnent du goût, une saveur intense au plat et peuvent être désagréables en surdose.

« Dhamma is systematic practice for a man at every stage of his life ». Le Dhamma nous accompagne sur ce chemin pour nous libérer de notre souffrance. Nous sommes entre de bonnes mains. Faisons confiance au Dhamma, faisons confiance à Lou-Ann. Le chemin est la voie.

Lou-Ann, Magali & Franck